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Ici, la Terre

11/01/2023

BOUCHARD Frédéric (2022)  Ici la Terre – dix aventures scientifiques
qui ont changé notre image du monde, aux éditions Multimondes, 156 p.

Professeur au département de géomatique appliquée à l’Université de Sherbrooke, Frédéric Bouchard nous raconte dans Ici la Terre – dix aventures scientifiques qui ont changé notre image du monde. Géologue de formation, spécialisé en géophysique il a eu l’opportunité d’aller faire des recherches à la Baie James dès son baccalauréat puis a poursuivi dans sa maitrise à l’exploration du pergélisol au Nunavik puis celui en Sibérie, dans le cadre de son post doctorat, en lien avec le projet Make our Planet great again.

Ce livre grand public, nous fait part de découvertes marquantes en Sciences de la Terre à travers dix aventures impliquant des scientifiques méconnus, pour la plupart d’entre nous. Vulgarisé et rempli de fascinantes anecdotes, on retrouve dans Ici la Terre, d’inspirants personnages ayant joués un rôle important dans l’histoire des sciences. Chaque chapitre se termine d’ailleurs avec des références pour poursuivre la lecture sur le sujet. La méthode scientifique et la rigueur, dont ses chercheurs ont fait preuve, y sont aussi mis de l’avant tout au long du livre et comme on peut lire dans la préface « Un peu de culture géo-scientifique nous aiderait peut-être à dépasser ce sensationnalisme environnemental » faisant allusion que le poumon de la Terre serait plutôt les océans car la majorité de l’oxygène que l’on respire provient du plancton marin.

Dans quelques-uns des chapitres, Frédéric Bouchard revient sur le légendaire débat de la formation de la Terre qui, l’on sait aujourd’hui, remonte à 4,5 milliards d’années.  Il nous raconte de manière passionnante comment l’âge supposé de la Terre est passé de 6000 ans, voire précisément du 22 octobre 18h 40004 AEC selon un archevêque anglican, à plusieurs dizaines ou même centaines de millions d’années grâce aux observations de James Hutton à Siccar Point au XVIIIe en choisissant judicieusement cette citation de lui – « L’esprit semblait avoir le vertige en regardant si loin dans l’abîme du temps ». Notez que c’est un siècle et demi plus tard, grâce à Clair Patterson qu’on déterminera l’âge précis de la Terre soit 4,5 milliard d’années avec la datation absolue des roches à l’aide d’éléments radioactifs comme l’uranium.

Première rangée: Nicolas Stenon (1638-1686) et extrait de Canis carchariae dissectum caput tiré de Elementorum myologiae specimen de 1667 / William Smith (1769-1839) et une coupe transversale des différentes strates géologiques et altitudes relatives de sa première carte l’Angleterre, Pays de Galles et Écosse de 1815  Deuxième rangée :  Portrait de James Hutton (1726-1797) par Henry Raeburn de la Scottish National Portrait Gallery  / Dessin humoristique d’Alfred Wegener (1880-1930) pionnier de la dérive des continents par Gary Brown / Photographie de Marie Tharp (1920-2006) dans son bureau cartographiant la dorsale médio-océanique crédit : Granger historical picture.

Pour ceux qui connaissent Nicolas Sténon qu’à titre d’anatomiste et du canal éponyme, transportant la salive sécrétée par les glandes parotides, alors détrompez-vous ! On lui doit bien plus… Il démystifia entre autres la légende des glossopetrae qui ne sont pas du tout des langues pétrifiées de serpents ou dragons tombant du ciel mais des dents de requins. Tandis que dans le chapitre sur l’usage du système métrique, on est stupéfié d’apprendre qu’au XVIIIe siècle, certaines mesures variées d’une région à une autre – comme la livre qui pouvait passer de 380 à 550 g ! Ainsi que plusieurs autres exemples, menant à l’expression deux poids, deux mesures. Frédéric Bouchard nous décrit aussi les péripéties menant à la publication de la première carte géologique de l’histoire par William Smith en 1815, les différences entre glaciers alpins et continentaux appelés inlandsis, la mission épique d’Alexander Von Middendorff en Sibérie à Iakoutsk, qui est aujourd’hui la plus grande ville du monde construite sur le pergélisol. Frédéric Bouchard nous rappelle que c’est à l’Université McGill qu’Ernest Rutherford, qui était pour Einstein le second Newton, avait observé les rayonnements émis par des atomes radioactifs qui le mènera à l’obtention d’un prix Nobel de chimie en 1908 soulignant le fait que 12 de ses étudiants ou de ses collègues ont été des lauréats de Prix Nobel; et nous présente le premier géophysicien canadien – John Tuzo Wilson qui dans un article de 1965 décrit et démontre les failles transformantes à la base du modèle des plaques tectoniques terme introduit par Fred Vine et Harry Hess en 1968. Un chapitre est également dédié à celui qui pour l’auteur à le plus bouleversé la géologie – Alfred Wegener, un astronome et auteur de la thermodynamique de l’atmosphère, qui a était un des premiers à apporter une explication scientifique sur la dérive des continents mais qui malheureusement n’a pas eu les honneurs qu’il méritait. Autre injustice que Frédéric Bouchard soulève est celle de Marie Tharp qui a cartographié la dorsale médio-océanique – cette structure du fond marin longue de 65 000 km mais qui n’émerge qu’à certains endroits que Cousteau a pu corroborer en la captant dans son film présenté au Congrès océanographique à New York en 1959. Frédéric Bouchard dénonce aussi qu’à cette époque 4% seulement des doctorats en Sciences de la Terre étaient attribués à des femmes et le fait déplorable que Tharp n’avait pas le droit de faire des expéditions en bateau. Elle réussit tout de même avec son collaborateur Bruce Heezen de réaliser la 1ière carte mondiale du fond marin soit le World Ocean Floor Panorama – une oeuvre d’art en soit !

World Ocean Floor Panorama ou Première carte mondiale du fond des océans par Marie Tharp et Bruce Heezen 1977. Lire aussi le chapitre 10 Naissance, vie (mouvementée) et mort des océans dans Ici, la Terre de Frédéric Bouchard ainsi que The woman who changed the way
we see the seafloor dans atlasobscura.com

Entrevue avec l’auteur à l’émission Les années lumière du 8 janvier 2023.

Outre Trop belles pour le Nobel de Nicolas Witkowski aux éditions Seuil 2005, voici quelques autres billet sur ce blogue mettant à l’honneur les femmes en sciences – Dames de la sciences sur le livre de Jean C. Beaudet, poèmes et œuvres d’art en hommage à la naturaliste-peintre Maria Sibylla Merian, médecins et infirmières de l’Hôpital St-Barts de Londres et pharmaciennes de la Royal Pharmaceutical Society ainsi que tous les billets sur les Prix Nobel. Visitez également les sites web des organismes qui visent à promouvoir les femmes en sciences de la France, du Canada et de l’Unesco et cette publication récente : CURIR Anne (2022). Les femmes, les ciels, les cultures – De l’histoire de l’astronomie au rôle des femmes dans la science moderne, éditions L’Harmattan, 136 p.

One Comment leave one →
  1. Élise Joubert permalink
    16/01/2023 20:51

    Merveilleux d’apprendre tout cela! Merci infiniment Linda 👌

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